Peut-on se choisir soi-même quand tout nous pousse à croire que nous devons d’abord être validé·e ?

Dans cette édition, j’explore cette sensation de suspension que l’on traverse parfois : être là, présente, impliquée — mais avoir l’impression de devoir attendre une forme de feu vert, un regard, un mot, une validation qui nous confirmerait enfin.

Pensées Partagées
2 min ⋅ 12/06/2025

Dans les débuts professionnels, dans les relations, dans les projets de vie, il y a ce temps flou où l’on croit devoir faire ses preuves. Et pourtant, il y a urgence à ne pas se laisser définir par cette attente.

Il y a des moments où l’on se sent à l’essai. Pas seulement au travail, mais dans la vie. Dans une relation, dans une amitié, dans une équipe, dans un rôle que l’on commence à peine à habiter. C’est une sensation très particulière : celle d’être là sans être tout à fait là. Comme si l’on marchait à côté de soi, en attendant un signe extérieur qui dirait : "c’est bon, tu peux t’installer".

Mais ce signal, parfois, ne vient pas. Ou tarde. Ou arrive par fragments. Et dans cet entre-deux, quelque chose se fissure : notre capacité à croire que l’on a de la valeur sans reconnaissance extérieure.

J’ai longtemps cru que ma valeur dépendait de l’accueil que je recevais. Que ce soit dans le monde professionnel, affectif ou social, il me semblait que le regard de l’autre m’autorisait à être pleinement. Mais j’ai compris, à force de me perdre dans cette quête, qu’il fallait s’autoriser soi-même. Se choisir. Non pas contre les autres, mais en se libérant du besoin d’être choisi pour oser avancer.

Dans De la dignité, le philosophe Emmanuel Levinas dit que la valeur d’un être humain ne repose pas sur la reconnaissance qu’il reçoit, mais sur la façon dont il se tient face à lui-même. Cela renverse notre réflexe premier : chercher dans le regard de l’autre la preuve que l’on vaut quelque chose.

Se choisir, ce n’est pas nier les autres. C’est refuser de se suspendre à eux. C’est reconnaître que la validation extérieure est parfois différée, injuste, silencieuse — et que malgré cela, on peut marcher droit. Faire son chemin. Avancer.

Se choisir, c’est aussi poser des limites, même dans l’incertitude. C’est ne pas tout donner quand rien n’est clair. C’est refuser de se conformer à une attente floue, quand cette attente nous abîme. C’est dire : "je sais ce que je vaux, même si tu ne le dis pas encore."

Et parfois, se choisir, c’est aussi partir. Non pas parce qu’on ne nous a pas choisis, mais parce qu’on ne veut plus attendre qu’on le fasse. Parce qu’on comprend que notre place ne dépend pas d’une validation extérieure, mais d’un engagement intérieur. Parce que rester dans le doute permanent, c’est s’éloigner de soi.

Je crois qu’il y a un courage discret à se choisir. Celui qui ne se voit pas toujours, mais qui soutient tout. Celui qui nous empêche de nous diluer dans l’illusion qu’un jour, peut-être, on sera "reconnue" comme on l’espère.

Alors je vous pose la question :
Dans quelle partie de votre vie avez-vous cru devoir attendre une validation ?
Et que changerait le fait de ne plus attendre ?

Peut-être que la vraie légitimité ne s’accorde pas. Elle se cultive, en silence, par les gestes que l’on pose, même quand personne ne regarde.

Leïla

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Pensées Partagées

Par Leïla Feghoul

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