Les réseaux sociaux : nous rapproche-t-ils encore ?

Les réseaux sociaux rapprochent-ils vraiment les cœurs, ou fabriquent-ils une illusion de lien ? Dans cette édition, je partage mes doutes sur leur impact sur nos relations les plus intimes, tout en explorant leur paradoxe : nous connecter à des inconnus, mais nous éloigner de ceux qui comptent.

Pensées Partagées
4 min ⋅ 20/01/2025

Quand Facebook est arrivé, c'était une promesse. Celle de garder le lien avec nos proches malgré les distances. On partageait des nouvelles, des instants de vie. Mais aujourd'hui, est-ce encore le cas ?

Ces outils, censés nourrir nos relations, semblent parfois les affaiblir. Pourquoi appeler un ami, pourquoi lui écrire, quand on peut liker une photo ou répondre à une histoire ? Ces gestes rapides suffisent-ils à remplacer le temps passé ensemble, les silences partagés ou la profondeur d'un vrai échange ?

Je m'en rend compte avec mes proches. Publier une image soigneusement choisie ne reflète jamais ce que je vis vraiment. Les moments de tristesse, de joie ou de doute surgissent sans prévenir face à quelqu'un qui m'écoute. Les réseaux, eux, permettent de choisir ce que l'on montre, et quand. Mais est-ce encore du lien ? Ou simplement une mise en scène ?

Des inconnus à portée de clic, mais quels liens ?

Les réseaux sociaux offrent une autre facette fascinante : se connecter avec des inconnus, des personnes que je n'aurais jamais croisées autrement. Mais là encore, je m'interroge : ces relations sont-elles profondes ?

Nous choisissons ce que nous partageons. Nous interagissons quand cela nous arrange. Peut-on comparer cela à un regard échangé, un sourire, ou une conversation imprévue ?

Et peut-être que ce n'est pas le but, après tout. Peut-être que l'idée n'est pas de tisser des liens profonds avec tout le monde, mais simplement de s'ouvrir à d'autres perspectives, à des idées nouvelles. Mais dans ce cas, ce n'est plus vraiment une question de créer du lien. Cela devient autre chose : une observation distante, parfois même du voyeurisme.

Alors, je me demande : les réseaux sociaux nous rapprochent-ils vraiment, ou sont-ils devenus ces vitrines où l'on expose et observe, chacun derrière son écran ?

La mise en scène de l'authenticité

Je vois parfois des créateurs de contenu partager leurs doutes, leurs échecs, leurs moments de vulnérabilité. Une démarche qui vise à assumer une authenticité plus brute, en opposition à la perfection souvent affichée.

Mais peut-on vraiment être authentique quand on planifie de montrer ses états d'âme ? Quand, en pleine crise de larmes, on décide d'allumer son téléphone pour enregistrer cet instant ?

L'authenticité ne surgit-elle pas dans l'instant, dans ce moment où l'on est trop pris par l'émotion pour penser à ce que l'on projette ? La mise en scène revient à en altérer l'essence, à lui ôter ce qui fait sa force : sa spontanéité.

Un éloignement des proches

Ces plateformes, pensées pour nous rapprocher, semblent parfois nous éloigner de ceux qui comptent vraiment. Plutôt que d'envoyer une photo à un ami ou à ma mère, je la partage avec des centaines de personnes. Une image qui s'adresse à tous, mais finalement à personne en particulier.

Depuis quelque temps, j'essaie de revenir à l'essentiel. Écrire une lettre, passer un appel, envoyer un SMS. Des gestes simples mais sincères, qui permettent de recréer un lien direct, sans bruit ni interférence.

En tant que communicante : un jeu assumé, mais questionné

Je ne suis pas étrangère aux réseaux sociaux. En tant que fondatrice de Sacrément Beau , j'y joue le jeu de l'attention et de l'engagement. Parce que les règles sont claires : j'ai créé un média et je veux qu'il soit vu, qu'il trouve son public.

Alors oui, je publie, je partage, je cherche à capter l'attention. Mais toujours avec une intention précise : proposer un contenu de qualité, connecter une audience à des idées qui résonnent avec elle. Dans cet objectif, je crois que c'est légitime.

Mais cette démarche me fait aussi réfléchir à ma pratique. Combien de fois ai-je dit que je crée du contenu pour "tisser du lien" ? Et parfois, je me demande : est-ce un leurre ? Donner l'impression d'une connexion profonde pour que cela fonctionne ?

Je crois pourtant que ce qui fonctionne, c'est ce qui résonne. Pas ce qui amadoue. Une création sincère, alignée avec une intention authentique, suffit à établir un véritable écho. Mais quand il s'agit de nos relations personnelles, je suis encore plus convaincue que ces règles ne s'appliquent pas.

Une réflexion philosophique : vérité ou illusion ?

Hannah Arendt voyait l'espace public comme un lieu où l'on se montre dans sa singularité. Mais les réseaux sociaux, en tant qu'espace public numérique, peuvent-ils encore jouer ce rôle ? Ce que nous y dévoilons est soigneusement choisi, souvent calculé. Alors, pouvons-nous vraiment y apparaître tels que nous sommes ?

Jean-Paul Sartre disait : « L'enfer, c'est les autres. » Et sur les réseaux, ces « autres » sont omniprésents. Leur regard, même virtuel, influence ce que nous montrons, ce que nous taisons.

Et puis, il ya Kierkegaard, qui alertait sur le danger de se perdre dans les distractions. Les réseaux sont-ils devenus cette distraction ultime, celle qui nous éloigne de nous-mêmes et des autres ?

Et si on avait mélangé deux usages ?

Je crois qu'on a peut-être confondu deux choses. Les réseaux sociaux sont des outils puissants pour diffuser des idées, pour connecter une audience à des univers qui résonnent. Mais ils ne peuvent pas remplacer nos relations intimes, nos vrais liens.

On ne peut pas leur demander de répondre à la fois à notre besoin de profondeur et à notre envie d'exploration. Peut-être que c'est là l'erreur : tout mélanger.

Alors, je vous pose la question : quel rôle les réseaux sociaux jouent-ils dans vos relations ? Vous rapprochez-ils de ceux qui comptent, ou sont-ils devenus une distraction ?

Peut-être qu'en 2025, on pourrait revenir à des gestes plus simples. Des mots, des regards, des émotions, qui ne sont pas choisis, mais vécus.

Leïla

Ce mois-ci dans Sacrément Beau 🎤🎧👁

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Par Leïla Feghoul

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